Les produits laitiers sont-ils nos amis pour la vie ? Produit puissamment régressif (le chocolat chaud du matin, le petit « lait lait » avant de s’endormir le soir….), le lait de vache et ses cousins laitiers sont régulièrement mis sur la sellette. Faut-il donc avoir peur du grand méchant lait ? Pour écrémer les doutes, MaSalledeSport a interrogé Anthony Berthou, nutritionniste et ancien triathlète de haut niveau.
L’homme, un gros bébé ?
« Avez-vous déjà vu une vache boire du lait ? Si vous la voyez, vous m’appelez, et vous me faites une photo ! ». Qui parle ? Le professeur Henri Joyeux, en pleine conférence fin 2014, vilipendant les trois facteurs de croissance contenus dans le lait de vache.
Reprenons : physiologiquement, beaucoup d’entre nous ne sont pas « équipés » pour digérer le lait de vache. Le lactose est le sucre du lait. Bébés, nous pouvons le digérer jusqu’à l’âge de 3/4 ans, car nous possédons cette merveilleuse enzyme, la lactase, qui permet de dissocier le lactose en glucose et galactose. Après, c’est le temps du sevrage. Cette enzyme se tarit progressivement jusqu’à l’âge adulte.
Mais l’Homme, gros bébé qu’il est, reste le seul mammifère qui continue à boire du lait à l’âge adulte, et également le seul qui boit le lait d’un autre animal…
Il faut dire qu’il est fortement encouragé, notamment par l’Académie de Médecine, la Haute Autorité de santé (HAS) et le PNNS, le Programme National Nutrition Santé (PNNS), « l'instance de référence en matière de nutrition ». Ce dernier, connu pour sa recommandation fétiche « 5 fruits et légumes par jour », préconise la consommation de 3 à 4 produits laitiers par jour. Ni plus ni moins, alors qu’à ce jour, aucune étude scientifique (enfants, ados, adultes confondus) n’a prouvé que le calcium laitier permettait la croissance osseuse ou prévenait la survenue de fractures. Parfois, c’est même le contraire, certaines études comme celle du département nutrition de Harvard qui montre qu'en consommant 300mg de calcium par jour (contre 900mg en France, selon les apports journaliers recommandés par… le PNNS), les Asiatiques ont un taux de fractures plus bas.
Examinons donc les principales idées reçues en lien avec la pratique sportive.
1. Le lait renforce les os
Forcément, « renforcer les os » évoque son corollaire « le plein de calcium ». Mais les choses ne sont pas aussi simples, prévient Anthony Berthou, nutritionniste. « Le premier facteur d’une bonne calcification alimentaire est l’activité physique, laquelle va stimuler le renouvellement des cellules osseuses et prévenir les fractures. Outre la pratique sportive, il faut également veiller à l’équilibre acido-basique, afin que l’organisme puisse fixer le calcium. Il convient donc de diminuer les charges acidifiantes (pain, charcuteries, gâteaux, biscuits, fromages…), et d’augmenter les alcalins (principalement les fruits et végétaux) ». Notons au passage la meilleure biodisponibilité (la meilleure absorption, ndlr) du calcium contenu dans certaines formes végétales (brocolis, épinards, oléagineux…) ou dans les eaux minérales calciques (Hepar, Courmayeur ou Contrex, par exemple).
Enfin, la littérature scientifique n’indique pas de lien entre la consommation de lait, l’apport en calcium et la prévalence de l’ostéoporose. Dernière en date, le British Medical Journal (BMJ), qui analyse et compile l’ensemble des données scientifiques, n’a trouvé aucune association entre consommation de produits laitiers et de lait et risque de fracture (hanches, vertèbres).
2. Le lait renforce les défenses immunitaires
Oui et non. « Il y a les bactéries lactiques, contenues dans un yaourt, qui peuvent être intéressantes dans l’écosystème intestinal, qui contient environ 100 000 milliards de bactéries. En effet, celles-ci sont déjà fermentées (comme celles de la choucroute) et ne présentent pas de risques particuliers », explique le nutritionniste.
D’autre part, la paroi intestinale, très fine, permet le passage des nutriments (les aliments issus de la digestion, l’eau, les minéraux) nécessaires au fonctionnement de l’organisme, mais bloque l’entrée aux indésirables. Le problème est que des fragments de protéines de lait (comme la caséine, qui constitue 80% des protéines de lait) de vache ou de gluten, vont en passant à travers cette paroi et se nicher entre les cellules, pour déclencher des réactions inflammatoires, surtout si la personne est prédisposée génétiquement.
3. Le lait aide à mieux récupérer
Dans la phase de récupération, la « fenêtre métabolique » se situe entre 30 minutes et 6 heures après l’effort. C’est le moment où le corps absorbe le mieux les nutriments. Après une bonne séance d’exercice physique, l’organisme a besoin de récupérer, de s’hydrater, afin de reconstituer les stocks de glycogène, notamment.
« Les BCAA, les acides aminés ramifiés, peuvent constituer une bonne solution, explique Anthony Berthou. On les trouve dans le lactosérum. Certaines boissons de récupération comme des yaourts à boire font l’association BCAAA + glucides afin de favoriser la pénétration des acides aminés.
Cela dit, le lait n’est pas indispensable. L’intestin étant fragilisé après une séance intense de sport, il peut s’en suivre une perméabilité intestinale accrue. Il existe bien d’autres substitutions possibles surtout si on ne tolère pas le lactose : une boisson de récupération, une compote maison, une banane bien mûre, des oléagineux selon la tolérance individuelle (amandes, noix de cajou)… »
Enfin, si l’on ne peut vraiment pas se passer de lait, l’expert préconise de miser sur d’autres laits d’origine animale (chèvre ou brebis), voire les laits végétaux comme le lait de riz, d’amandes, de sésame, ou de coco.
Charles Brumauld