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Cheat Meal, mode d'emploi


Charles Brumauld

« Tu viens au resto avec nous après le wod ? Ce soir, c'est cheat ! ». Hein ? Rien compris. Traduction : « on va s'éclater la panse en conscience entre potes après le sport, tu viens ? ». Ah, c'est déjà plus clair. Le cheat meal, un « repas triche », donc. Mais pas que. Faisons le point avec Yves Pa

« Tu viens au resto avec nous après le wod ? Ce soir, c'est cheat ! ». Hein ? Rien compris. Traduction : « on va s'éclater la panse en conscience entre potes après le sport, tu viens ? ». Ah, c'est déjà plus clair. Le cheat meal, un « repas triche », donc. Mais pas que. Faisons le point avec Yves Patte, coach sportif, spécialiste de l'alimentation paléo et co-fondateur de la box CrossFit Nivelles*.

Qu'est-ce qu'un cheat meal ?

Le « repas de triche » ou « libre » se conçoit lorsqu'on suit au quotidien une diète assez suivie, comme certains bodybuilders ou ceux qui suivent le régime paléo strict. En effet, comment « cheater », tricher, s'il n'y a pas de règles ou que l'on fait des écarts trop réguliers ? En mode « strict », le besoin peut se faire sentir de faire un « pas de côté ». Pour moi, il y a deux manières de l'envisager : soit de manière programmée, en prévoyant le jour, le restaurant etc. Psychologiquement, cela permet de se donner un objectif et se dire qu'on « tient » la semaine pour consommer des calories. Physiologiquement, cela permet de se recharger au niveau des glucides.

Donc, un cheat day, un cheat meal, c'est cadré, prévu, planifié ?

Pas toujours. Ça, c'est plutôt la conception de Tim Ferriss, gourou de la santé Outre Atlantique. Pour ma part, je fais des cheat meals réguliers mais pas fréquents, sans forcément prévoir. C'est ce que l'on enseigne dans les formations Level One du Crossfit : « on ne veut pas être celui qui, à l'anniversaire de son neveu, jette un gâteau et file consommer ses noix et ses carottes dans son coin ». Ce n'est donc pas une entorse. Le cheat meal rentre plutôt dans une philosophie : on mange sain (paléo pour ceux qui veulent) 90 % du temps, et un repas plus calorique de temps en temps !

D'où ça vient ?

Plutôt de l'univers des bodybuilders, lesquels, pour construire leur corps, ont connu des diètes très cadrées, et des petites relâches, des « cheats ». En réalité, les cheat meals ont toujours existé, sauf qu'on ne les appelait pas comme ça : dans la période paléolithique, l'alimentation de nos ancêtres était assez pauvre en glucides. Ils se nourrissaient de racines, de tubercules, de bulbes, principalement. Mais, selon les régions et les saisons, ils pouvaient tomber sur des fruits plus sucrés comme des dattes, ou du miel dans un essaim d'abeilles !

Quel est l'intérêt d'un cheat meal ?

Si notre fond nutritionnel est faible ou trop strict, notre métabolisme de base (dont dépend également notre capacité à brûler des graisses) aura tendance à régresser. Cet apport soudain en calories va permettre de tromper sa vigilance, de relancer le métabolisme et de forcer l'organisme à se réadapter. C'est un peu comme le type d'effort physique dans l'autre sens : des efforts courts et intenses choquent l'organisme et le poussent à s'adapter.
Mais n'oublions pas la dimension psychologique de ces repas. Nous sommes des animaux sociaux. Notre alimentation, au carrefour de l'Histoire, de notre éducation, de nos préférences, de nos émotions, est une composante très importante de notre sociabilité. Savoir que l'on peut se permettre un repas « plaisir » permet de garder une vie sociale saine et épanouie. C'est pourquoi je conseille toujours aux personnes que je coache en alimentaire de se laisser un cheat meal par semaine, mais sans le prévoir nécessairement : le cheat meal est le genre de repas qui se fait entre amis et pour lequel on ne culpabilise pas. Évitez donc de le faire un jour précis, sinon vous l'assimilerez à une « récompense », et votre cerveau risque d'associer les aliments malsains à quelque chose de positif.

Concrètement, un cheat meal, c'est tous les combien ?

On dit une fois par semaine, en pratique. Tout dépend de votre alimentation. Admettons qu'il y a 21 repas principaux sur une semaine, soit trois par jour. Si l'on « cheat » sur 1 ou 2 repas, on reste sur une alimentation saine plus de 90 % du temps ! Ce qui est tout à fait correct pour atteindre les résultats escomptés.

Et le contenu des assiettes, c'est libre aussi ? Genre des « calories dans le cornet » ?

C'est libre, et ça dépend des préférences de chacun. Un bon burger/frites, pizzas, glaces... On n'est pas toujours obligé de choisir la calorie pour la calorie, mais plutôt de se faire plaisir y compris si c'est plus calorique que d'habitude. On peut aussi opter pour des produits de bonne qualité nutritionnelle, plutôt que de la viande ou des frites de mauvaise qualité ou bourrées d'additifs. Pour moi, un bon cheat meal, c'est un repas sympa entre amis, pas le soir seul(e) à la maison. Après un workout bien éprouvant ou la fin d'une compétition, c'est un peu l'occasion de revisiter le banquet ancestral de la fin des aventures d'Astérix. Un moment convivial, ou l'on se retrouve sans compter ses calories, sans réfléchir aux bonnes associations, bref, sans trop penser à autre chose qu'au bonheur d'être ensemble.

* En Belgique, entre Bruxelles et Charleroi (et entre deux frites mayo de cheat meal !)

Charles Brumauld